Le reprenariat dans une situation parado
Le repreneuriat au Québec est-il aussi mal en point qu’on le dit ? Les opinions divergent. D’un côté, certains affirment que près de 40 000 entreprises pourraient disparaître dans les prochaines années si elles n’ont pas de relève. De l’autre, on soutient qu’il s’agit d’un faux débat, que la loi du marché fera son œuvre et que l’économie n’en souffrira pas tant que ça. Choc des idées.
Mot-valise en circulation depuis presque 20 ans et formé des termes « reprendre » et « entrepreneuriat », le repreneuriat est l’acte d’acheter et de faire durer dans le temps une entreprise existante.
En général, les relèves familiales et l’achat d’une PME par des cadres ou des employés sont considérés comme du repreneuriat. Toutefois, la vente pure et simple à un tiers parti entre, elle aussi, de plus en plus dans cette catégorie.
La situation actuelle est presque paradoxale. Les repreneurs sont nombreux à lever la main depuis quelques années au Québec, où la structure du repreneuriat est un modèle d’accompagnement développé et très en vogue.
Ce sont les propriétaires fondateurs, aussi appelés cédants, qui ne sont pas prêts à prendre leur retraite, rappelle Rina Marchand, directrice principale, contenus et innovation, à la Fondation de l’entrepreneurship.
Toutefois, une tendance s’installe. « La volonté des propriétaires actuels de penser à la pérennité de leur entreprise et donc d’engager un processus de transfert est là », dit-elle.
« De plus en plus, nous voyons des entreprises multigénérationnelles où cohabitent parfois jusqu’à trois générations pendant de longues périodes. La notion de “cédant” devient alors un peu désuète, car le fondateur voit sa place conservée dans l’entreprise mais son rôle transformé. »
Louise Cadieux, professeure titulaire en management au Département des sciences de la gestion de l’UQTR, émet des doutes face à cette éventualité selon laquelle quelques dizaines de milliers d’entreprises pourraient péricliter d’ici 2020 si elles ne sont pas transmises.
« C’est un peu sensationnel comme chiffre. Ce ne sont pas toutes les entreprises qui doivent être transmises, comme par exemple tous les salons de coiffure. Il faut être prudent dans notre façon de regarder la situation. »
— Louise Cadieux, professeure titulaire à l’UQTR
Claude Ananou, maître d’enseignement en management à HEC Montréal, est plus catégorique. « Ça fait 3000 ans que des entreprises changent de main, dit-il. Et ça va continuer ainsi.
« Les entreprises de 10, 20 ou 50 employés ne fermeront pas toutes boutique demain matin. La loi du marché fera son œuvre.
« Je préfère former des étudiants qui vont acheter et regrouper des entreprises existantes plutôt que de s’intéresser à une seule PME comptant de 5 à 10 employés. L’économie est rendue là. »
D’ailleurs, M. Ananou considère que les efforts ne sont pas mis aux bons endroits. Il faut s’intéresser aux grandes entreprises ou à celles qui occupent des niches, dit-il en substance. « À vouloir accompagner toutes les entreprises, peu importe leur taille, on est en train de financiariser les transferts. En fin de compte, ça va créer une catégorie d’entrepreneurs qui ne penseront plus qu’à l’argent et aux rendements », déplore-t-il.